Depuis quelques mois, Ben Goldacre et d’autres militent pour la campagne Alltrials. Comme indiqué sur le message twitter ci-dessus. Cette campagne demande que tous les essais cliniques soient publiés avec le protocole et un résumé des résultats. Cette campagne milite donc pour évincer le biais de publication. C’est un biais important car il impacte toutes les méta-analyses que réalise la Cochrane et les autres. C’est aussi important de connaitre les résultats négatifs car cela évite que les erreurs soient répétées. Cette campagne, comme indiqué sur le message ci-dessus, ne demande pas les IPD (Individual Participant Data).
Fiona Godlee co-publie cette semaine un article sur la nécessaire publication des essais négatifs et abandonnés : « Restoring the integrity of the clinical trial evidence base » militant aussi contre le biais de publication.
A ce message, un professeur de Cambridge (Massachusetts) a fait une réponse, soulignant entre-autres remarques, que de nombreux essais sont biaisés ; que des publications sont écrites pour valider aux yeux de la communauté scientifiques ces données biaisées afin que les nouvelles données biaisées puissent être promues. L’auteur souligne la faible implication de la FDA et de l’EMA pour réduire cette promotion basées sur des données biaisées.
Le biais de publication est un biais important, puisqu’il biaise les méta-analyses, qu’elles soient réalisées sur les données individuelles ou sur les données synthétisées. Les méta-analyses de la revue Cochrane sont « typiquement » réalisées sur les données résumées. La campagne Alltrials permettra donc à la Cochrane d’obtenir les données résumées. Mais si les publications mentionnent des résultats biaisés, une méta-analyse sur ces résultats sera aussi biaisée.
La Cochrane vient de publier une méta-analyse sur les immuno-modulateurs dans la sclérose en plaques. Cette méta-analyse prend en compte l’étude biaisée sur Avonex.
Toutes les études prises en compte dans la méta-analyse sont évaluées sur le risque de biais. La méthodologie est précisée dans le chapitre 8.5 du handboock Cochrane. La qualité des études est ensuite évaluée selon le système « GRADE » qui définit en 4 classes le risque que des études ultérieures modifient l’évaluation disponible à ce jour. Ensuite la Cochrane réalise la méta-analyse. Leur conclusion est, entre autres, que le profil bénéfice-risque d’Avonex est défavorable. Donc leur conclusion est identique (concernant Avonex) à celle qu’auraient pu annoncer la FDA et l’EMA au siècle dernier si l’étude avait été correctement analysée.
Sauf que la Cochrane ne dit pas que l’étude est biaisée. La stratégie de la Cochrane est de considérer tous les perdus de vue comme ayant validé le critère (i.e. fait une poussée de sclérose en plaques). Compte tenu du nombre important de perdus de vue dans cette étude, le résultat favorable mais biaisé est annihilé.
Ainsi, la stratégie de la Cochrane permet d’éliminer les biais lié à une attrition. Mais d’autres biais sont possibles. L’étude Avonex est considérée par la Cochrane comme à faible risque de biais de levée de l’aveugle, la Cochrane se basant sur la description de la méthodologie de l’étude dans le protocole. L’analyse précise des effets secondaires montre qu’une levée de l’aveugle pour le patient est très probable (exemple ici). Les biais de levée d’aveugle ne sont donc pas pris en compte. Les études Tecfidera sont des études prévues en double-aveugle (voire triple) mais les effets indésirables spécifiques ont permis la levée de l’aveugle chez un tiers des patients sous verum et cette levée de l’aveugle améliore les résultats. Ce résultat n’est pas mentionné dans les publications. La Cochrane considérera donc probablement ces études comme à faible risque de biais lié à une levée de l’aveugle (heureusement que l’attrition est importante !).
La Cochrane fait un énorme travail d’analyse très utile aux médecins mais ses analyses ne sont pas faites pour décrire des biais spécifiques pour une étude en particulier.
Obtenir les informations demandées par la campagne Alltrials est un bon début mais insuffisant pour s’assurer que les informations disponibles pour les médecins ne sont pas biaisées. La plainte d’Abbvie et d’InterMune contre l’EMA pour l’empêcher de publier les données du dossier d’AMM a bloqué, espérons momentanément, le processus de transparence initialisé en novembre dernier par l’EMA.
S’arrêter après l’éventuel succès de la campagne Alltrials ne règlerait qu’un seul des problèmes de l’évaluation des thérapeutiques… Et permettrait potentiellement la publication de résultats biaisés tout en se faisant passer pour un parangon de vertu.