Pour définir le meilleur traitement pour le patient en face de soi, il y a de multiples critères de choix. L’efficacité bien sûr, la tolérance, le coût, la facilité de prise… et la connaissance qu’en a le médecin, voire le patient. Compte tenu de la faible différence d’efficacité souvent observée entre les produits, les autres critères ont parfois une place prépondérante dans le choix de la stratégie thérapeutique ; et puis le meilleur traitement est toujours celui que le patient va prendre. Donc, il est souvent rentable de bien présenter dans les publications les résultats de la tolérance. Il y a plein de manières de classer les résultats de tolérance, donc de les présenter.
- En nombre de patients avec l’effet adverse (EA) ou en nombre de survenues de l’EA
- Par effet adverse ou par système d’organe touché
- Selon la gravité (légère, modérée, sévère)
- Selon leur impact sur les sorties d’essais
- Selon leur imputabilité : (FR) 1 : exclu, 2 : douteux, 3 : Plausible, 4 : vraisemblable, 5 : très vraisemblable ou (OMS) 1 : Certain, 2 : Probable, 3 : Possible, 4: improbable, 5 : inclassifié, 6: inclassifiable
Il est alors possible de croiser ces différents classements ; ce qui offre un bon nombre de possibilités de présentation. On ne conçoit pas la publication d’un essai clinique sans présentation de la tolérance mais les conclusions que l’on peut en tirer ne sont pas toujours à la hauteur des besoins pour la prise en charge et l’information des patients. Elles ne permettent pas non plus de juger de la possibilité d’une levée de l’aveugle du patient.
Un petit exemple :
C’est un essai contre placebo ; le produit entraine assez fréquemment au cours des 24 à 48 heures après l’injection un syndrome pseudo-grippal défini par l’association d’un ou plusieurs signes plus souvent présents dans le groupe verum que dans le groupe placebo : symptômes pseudo-grippaux, fièvre, frissons, douleurs musculaires, asthénie. Plusieurs modalités de présentation des résultats de tolérance sont disponibles dans le rapport clinique de l’essai.
1er Tableau : nombre de patients ayant présenté un effet adverse : regroupement par système.
Peu d’items sont significativement plus fréquents dans le groupe verum (colonne du milieu, la colonne de droite correspond aux données dans le groupe placebo, celle de droite, la significativité de la comparaison). Les chiffres entre parenthèse sont les pourcentages. Il s’agit des troubles « Musculoskeletal » et « Cardiovascular ».
2ème Tableau : nombre de patients ayant présenté un effet adverse : regroupement par signe ou symptôme.
Ce sont les EA survenus chez plus de 15% des patients. Au moins un syndrome pseudo grippal est survenu chez 61 % des patients du groupe verum contre 40% dans le groupe placebo (A priori dans le groupe placebo, il s’agissait probablement de grippes ou de maladies virale communes). On ne peut pas supposer que la survenue de cet EA puisse être responsable d’une levée de l’aveugle chez les patients. Devant un syndrome pseudo grippal, il y 61/101 chances qu’il soit dans le groupe verum ; c’est assez proche de 50%. Pour les frissons (chills) c’est 21/28, un peu mieux mais pas terrible quand même car cela ne concerne que 14% des patients. Et puis il faut que l’effet adverse survienne avant la survenue de l’événement recueilli pour l’évaluation de l’efficacité pour que la levée de l’aveugle soit « intéressante » Il y a ensuite de nombreux autres tableaux présentant les résultats sur les EA sévères ou les EA au moins possiblement liés au traitement reçu. Je ne vous les détaille pas ici.
3ème Tableau : nombre de patients ayant présenté un effet adverse probablement ou certainement lié au traitement et survenant plus fréquemment dans le groupe verum (différence avec le groupe placebo ≥ 5%).
Ce tableau donne quelques informations supplémentaires sur le syndrome pseudo-grippal. Cet EA était connu avant l’essai ; il est donc normal qu’il soit considéré comme probable ou certain. La différence entre les 2 groupes est notable. La probabilité qu’un tel effet (syndrome pseudo grippal dont l’imputabilité est probable ou certaine) survienne chez un patient sous verum est de 30/35 mais seuls 17.5% des patients en présenteront au moins un donc la levée de l’aveugle ne pourrait se faire que pour un petit nombre de patients.
Les tableaux 4 et 5 ne concernent que le syndrome pseudo-grippal (SPG).
4ème Tableau : Répartition des patients selon la durée en jour du syndrome pseudo grippal.
Ce tableau donne quelques informations supplémentaires sur la durée des signes et symptômes du syndrome pseudo-grippal. La différence de médiane est fortement liée au nombre de patients sans SPG. Les intervalles choisis ne permettent pas de différencier la durée du SPG chez les patients ayant eu au moins un épisode de SPG (plutôt 8 jours dans le groupe placebo et plutôt 15 jours dans le groupe verum). Bref rien de bien différenciant.
5ème Tableau : Délai d’apparition du premier épisode de syndrome pseudo-grippal.
Ce tableau donne une information plus intéressante : 50% des patients du groupe verum ayant ressenti un SPG l’ont fait au cours des deux premiers jours de l’essai. Il aurait été intéressant de connaitre le pourcentage de patients du groupe placebo ayant ressenti le SPG au cours des deux premiers jours de l’essai. Ce résultat n’est pas disponible. Mais il est probable qu’un patient ressentant un SPG à la première injection ait beaucoup plus de chances d’être dans le groupe verum que dans le groupe placebo !
La présentation des EA peut être réalisée sous de multiples modalités. Le nombre de patients présentant l’EA est la plus souvent adoptée. Elle entraine une perte d’information importante sur la fréquence, la durée et le délai de survenue de l’EA. Le regroupement des EA par système et leur sélection selon la sévérité ou l’imputabilité constituent des analyses de sous-groupes qui peuvent favoriser ou limiter la mise en évidence d’une différence entre les groupes. Pour la mise en évidence d’une possible levée de l’aveugle liée à une intolérance spécifique, des données plus précises sont souvent nécessaires ; elle ne sont pas fournies la plupart du temps.
Voici le rapport d’étude clinique, reçu de l’EMA, à partir duquel sont tirées les données.
