Après l’impact de la sélection de patients (voir ici ) sur les odds-ratios, voici deux autres circonstances qui peuvent laisser un arrière-goût de doute sur les odds-ratios.
Le premier est le paradoxe de Simpson, le second est l’impact de la sensibilité et de la sensibilité du diagnostic de l’exposition.
Le paradoxe de Simpson s’applique aux odds-ratios.
Il peut être décrit ainsi : Certains tableaux 2×2 dont l’odds-ratio est supérieur à 1 peuvent être la somme de deux tableaux 2×2 dont les odds-ratios sont inférieurs à 1 (et vice versa bien sûr). L’exemple que prend Simpson initialement dans son article de 1951 permet de s’en rendre compte même si le terme d’odds-ratios n’est pas utilisé par l’auteur (à noter que le paradoxe de Simpson avait déjà été décrit par Udny Yule en 1903 ; autre exemple du principe du premier découvreur oublié).
Herman en 2011 reprend l’exemple de Simpson. Après avoir proposé plusieurs hypothèses sur la condition pouvant permettre la création des deux tableaux 2×2, l’auteur conclut qu’il faut bien connaitre la pathologie en question pour savoir s’il faut se fier au résultat global ou aux résultats sur les deux « sous tableaux ». Bon d’accord, encore faut-il avoir toutes les informations et les facteurs de confusion éventuels.
De fait, il y a peu d’exemples du paradoxe de Simpson dans la littérature scientifique. Mais dans l’exemple repris par wikipedia, vous faites quoi si vous n’avez que les données surlignées en jaune de l’article ? Et si vous n’avez que le résultat sur tous les patients ?
Le traitement « open procedures » est meilleur sur les petits calculs rénaux (groupe 1) et les gros calculs rénaux (groupe 2) que la « nephrotomy/pyelonephrotomy » mais il est moins performant sur l’ensemble des petits et des gros calculs.
Dans cet exemple, a priori, le choix de la méthode a été déterminé en fonction de la taille des calculs. Si on utilise les pourcentages de succès (et non les nombres de patients) selon la taille des calculs, le paradoxe de Simpson disparait, même si on multiplie les pourcentages d’un groupe par un facteur multiplicatif quelconque. Le résultat du tableau total est alors conforme à ceux des tableaux qui le constituent. Ce serait la situation d’un essai clinique stratifié sur la taille des calculs.
Reste à savoir si le tableau qui vous est présenté dans une publication est l’un des tableaux constitutif de la somme ou le tableau total. Pour simplifier, il peut être les deux. Par chance, le paradoxe de Simpson nécessite des répartitions un peu particulières.
Calculs sur excel, seules les cases en jaune peuvent être modifiées.

Heureusement que l’auteur peut se rattraper en choisissant une troisième voie, l’extracorporeal shockwave lithotripsy, plus efficace que les deux autres selon ses résultats !
Le second truc est l’impact de la sensibilité et de la spécificité du diagnostic de l’exposition.
Lors d’études rétrospectives, c’est par exemple le diagnostic de l’exposition, par l’interrogatoire. Mais il peut s’agir pour tout type d’enquête de la sensibilité et de la spécificité d’un test diagnostique quelconque de l’exposition.
La sensibilité et la spécificité dont il est question sont celles concernant le diagnostic de l’exposition, pas celles de la maladie.
Si j’interroge un patient pour savoir s’il a pris de la dompéridone ou du médiator, il peut se tromper dans les deux sens, dire qu’il en a pris sans en avoir pris ou dire qu’il n’en a pas pris alors qu’il en a pris. C’est donc la sensibilité et la spécificité de ma technique d’interrogatoire ou de diagnostic de l’exposition qui sont en cause.
En gros cela revient à évaluer la manière dont je me suis planté en recherchant l’exposition. J’ai donc plus de chance de me planter dans des études avec recherche rétrospective de l’exposition.
La sensibilité et la spécificité mentionnées dans le fichier excel joint n’ont pas d’influence sur le statut cas/contrôle que je considère connu avec certitude.
Un défaut de sensibilité ou de spécificité aboutit au biais de classification de l’exposition : des patients exposés ne le sont en fait pas et des patients non exposés le sont. Des expositions diagnostiquées sur un interrogatoire/une base de données n’en sont en fait pas et d’autres avec une évaluation négative à l’interrogatoire ou sur une base de données ont eu en fait l’exposition.
Cette sensibilité et cette spécificité modifient bien évidemment les odds-ratios.
Nous pouvons calculer en fonction de la sensibilité et de la spécificité de l’exposition les odds-ratios sur les données observées (impactées par la sensibilité et la spécificité) ou sur les données réelles (inconnues a priori).
Si la sensibilité et la spécificité sont non différentielles (identiques pour les cas et les contrôles), il est possible d’avoir des odds-ratios sur l’exposition réelle et sur l’exposition observée de part et d’autre de 1. Une exposition peut donc être protectrice sur les données réelles de l’exposition et délétère sur les données observées (et vice versa).
Selon Waldocher , il faut que la somme sensibilité + spécificité soit inférieure à 1. Ce sont des cas un peu exceptionnels.
Si la sensibilité et la spécificité peuvent être différentes pour les cas et les contrôles, l’odds-ratio sur les données réelles peut être soit supérieur soit inférieur à celui sur les données observées ; les deux odds-ratios peuvent être de part et d’autre de 1.
Toujours pareil, vous pouvez jouer avec le fichier excel joint en modifiant les cellules jaunes. Il y a deux tableaux selon que vous partez des données réelles de l’exposition ou des données observées. Les arrondis peuvent faire varier légèrement les nombres entre les deux tableaux.

Finalement, avec tous ces biais possibles, la dompéridone est peut-être protectrice… 😉