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A la recherche du bon critère d’évaluation

Posted on 18 octobre 2013 by Alexis in Article 4 Comments
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Pendant le mois d’octobre, plusieurs revues de neurologie de la société Sage sont en accès libre. C’est un cadeau pendant le mois de l’ECTRIMS.

J’ai donc été faire mon marché sur le site du Multiple Sclerosis Journal et ai récupéré une étude sur le teriflunomide. Cette étude est de plus en accès libre. C’est un « Sage Choice Article » disponible ici. Le pdf est téléchargeable là. Cette étude est une des quatre principales études cliniques du dossier d’AMM.

Teriflunomide a été approuvé par l’EMA (EPAR téléchargeable ici) et par la FDA (les documents sont là) dans la sclérose en plaques évoluant par poussées. Son nom de marque est Aubagio.  

Cette étude est la seule du dossier d’AMM qui ne soit pas uniquement contre placebo.

Elle compare deux dosages de Teriflunomide au Rebif. Les deux doses de Teriflunomide sont administrées en aveugle mais le Rebif est donné en ouvert (pas de double placebo). Comme toujours, il y a deux médecins, un traitant et un évaluateur. Le médecin évaluateur détermine l’EDSS. Ces évaluations permettent au médecin traitant de confirmer les poussées. Le médecin traitant évalue tout ce qui concerne le traitement. L’étude est décrite comme étant « rater-blinded ». 

J’ai été très surpris par le critère d’évaluation de cette étude.

Le critère principal d’évaluation repose sur un délai avant échec (time to failure). L’échec est défini par

  • soit la survenue d’une poussée,
  • soit l’arrêt permanent de la prise du produit quelle qu’en soit la cause.

Ce critère combiné est considéré par les auteurs comme témoignant de l’efficience des produits « dans la vie réelle ».

Que conclure en pratique des résultats sur cette combinaison d’un critère d’efficacité et d’un critère d’acceptabilité du traitement ?  Ce d’autant que chacun des deux critères influence le recueil de l’autre.

L’évaluation du nombre de sujets nécessaires s’appuie sur l’hypothèse d’une nette supériorité du Teriflunomide sur Rebif (« Hazard rates of 0.4186 for teriflunomide and 0.7440 for IFNβ-1a were assumed »).

Compte tenu des résultats des deux produits lors des études contre placebo, il était peu probable qu’une telle différence puisse être espérée sur le critère d’efficacité (survenue d’une poussée). 

Les auteurs ont donc du considérer que la différence serait principalement liée aux arrêts de traitement; même s’ils expliquent que le nombre de sujets inclus permettra de mettre en évidence une différence de 36% sur la fréquence des poussées… résultat très peu probable….

 

Résultats de l’étude : Il n’y a pas de différence entre les groupes sur le critère principal.

Mais la répartition des causes d’échec est intéressante : les patients sous Rebif sont « en échec » pour des raisons de tolérance, ceux sous Teriflunomide en raison de la survenue de poussées. Les autres critères secondaires d’efficacité usuels sont en faveur de l’interféron sans significativité.

Que conclure ?

Il faut traiter les patients par interféron car ceux qui suivront le traitement en tireront possiblement un meilleur bénéfice ou il faut traiter les patients par teriflunomide car ils suivront plus facilement le traitement, même si son efficacité est possiblement moindre.

Bref, l’essai était fait pour ne pas mettre en évidence de différences sur l’efficacité.  

La tolérance des deux produits était déjà connue.

L’acceptabilité dépendant de la conviction du médecin, son évaluation au cours d’une procédure standardisée d’un essai clinique ne peut être assimilée à celle observée en pratique clinique, comme dans la « vie réelle ».

De plus, selon le pays où est réalisée l’étude, et selon les modalités de prise en charge des traitements dans ces pays, l’acceptabilité des traitements lors d’un essai clinique peut varier.

En plus de ces questions sur la justification de l’étude, deux points supplémentaires ont peut-être favorisé les arrêts de traitement par interféron.

Neuf des 22 patients ayant arrêté Rebif pour intolérance ont présenté une augmentation des ALT (Alanine Aminotransferases) à plus de 3 fois la normale. C’est un critère d’arrêt des traitements défini dans le protocole mais ce n’est pas celui indiqué dans l’EPAR Rebif de l’EMA (« Une diminution de la dose de Rebif devra être envisagée si les ALAT dépassent 5 fois la LSN, suivie d’une ré-augmentation progressive après normalisation des transaminases hépatiques »).

Cette attitude correspond en fait plus aux conditions d’arrêt d’Aubagio dans l’EPAR établi par l’EMA (« Le traitement par le teriflunomide doit être interrompu en cas de suspicion d’atteinte hépatique et en cas de confirmation d’élévation des enzymes hépatiques (supérieure à 3 fois la limite supérieure de la normale : LSN) »).

Choisir la règle la plus stricte dans un essai en double aveugle est justifié mais dans le cas présent, le médecin traitant savait bien qui prenait quoi et la règle du protocole ne correspond donc pas à la « vie réelle ».

 

Les patients ne devaient pas avoir été traités par Rebif à aucun moment ni n’avoir reçu un autre traitement de fond injectable (Interféron, glatiramère) aux cours des trois derniers mois. Vingt-quatre pour cent des patients sous Rebif avait déjà pris un tel produit et l’avait donc arrêté. Seuls 11,7% des patients sous teriflunomide 14 mg étaient dans ce cas. On ne sait pas si les patients avaient arrêté leur traitement en raison d’une mauvaise acceptabilité des injections…

En conclusion, il sera intéressant de voir comment seront présentés les résultats en promotion, voire dans les documents de la commission de transparence.

Il faut toujours considérer que les critères combinés sont des critères très « réfléchis ». Donc créés à dessein, pour obtenir une issue favorable dans un contexte a priori difficile.

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4 comments on “A la recherche du bon critère d’évaluation”

  1. Julie grenier dit :
    25 septembre 2014 à 1:59

    Si je comprend bien votre analyse l’Aubagio est moins efficace que le Rebif? J’ai le SP et je prends le Rebif, mon neurologue me propose de changer pour Aubagio qui est par voie orale plutôt que par injection. Je cherche a me renseigner autrement que par la compagnie pharmaceutique qui dit ce que bon lui semble. Quel est votre opinion sur ce nouveau médicament. Vous me semblez être un bon analyste et je suis curieuse de savoir votre position et ce que vous me conseillez.

    Julie Grenier

    Reply
    • Alexis dit :
      25 septembre 2014 à 8:47

      Bonjour Madame,
      Je ne peux pas bien sûr vous donner un conseil médical puisque je ne vous connais pas.
      Cette étude comparative (Aubagio versus Rebif) semble montrer que les patients sous Aubagio abandonnent moins souvent le produit que ceux sous Rebif mais que ceux sous Rebif en tirent un meilleur bénéfice sur le plan de l’efficacité. Rien n’est significatif mais le choix d’un double critère laisse penser que le sponsor soupçonnait cette différence entre les produits.
      Les patients inclus dans l’étude ne devaient pas avoir reçu de Rebif auparavant, ce qui n’est pas votre cas.Comme vous semblez avoir déjà supporté le Rebif, les résultats d’acceptabilité « ne vous concernent pas » (si je peux me permettre !). Discutez de tous ces points avec votre neurologue qui pourra selon vos souhaits d’arrêter un traitement injectable vous donner les meilleurs conseils.

      Reply
  2. benoit dit :
    17 octobre 2014 à 1:02

    Tous les traitements sont bons, c’est du cas par cas, ce qui marche pour l’un, ne marche pas forcément pour un autre.

    Il faut simplement trouver le traitement qu’il nous convient

    Reply
    • Alexis dit :
      17 octobre 2014 à 6:33

      Pour être mis sur le marché, un médicament doit démontrer son efficacité sur un groupe de un patients par un essai clinique correctement conduit et analysé.
      Ce n’est pas le cas pour Avonex qui a été mis sur le marché sur un seul essai biaisé. Il n’y a donc aucune preuve de son efficacité et tous les essais comparatifs ont montré son infériorité aux autres traitements

      Le fait que certains patients en soient contents n’apporte aucune preuve de l’efficacité du produit. La question est doit-on payer 10 000 euros par ans pour ce traitement et doit-on faire croire aux patients que ce produit est efficace alors qu’il ne l’est pas et qu’ils pourraient recevoir un traitement plus efficace.

      Un traitement par placebo peut se révéler très efficace dans certaines circonstances.
      Il y plusieurs années, on utilisait à l’hôpital, le « sérum américain » pour traiter les hystériques. Le sérum américain était un injection intramusculaire de sérum physiologique, soit de l’eau et du sel. c’était un bon test diagnostique…

      On utilise actuellement de nombreux produits n’ayant pas démontré leur efficacité (homéopathie par exemple). Certains patients leur trouvent beaucoup d’avantages. Leur prix est plus faible, les pathologies traitées n’ont pas de gravité évolutive. La SEP est une maladie potentiellement grave, laisser sur le marché un produit inefficace en laissant croire le contraire est criminel. Avonex est le 20 ème produit en valeur pour l’assurance maladie. Il n’y a pas de preuve de son efficacité.

      Reply

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