Les publications des essais cliniques doivent décrire la population incluse. C’est la loi !
Normalement, la randomisation bien conduite doit répartir, dans les différents groupes, de manière à peu près équivalente les patients selon les facteurs susceptibles de modifier la réponse au traitement, que ces facteurs soient connus ou (encore) inconnus ; et c’est tant mieux ! Car pour réaliser une bonne évaluation comparative, il faut que les différents groupes soient initialement le plus similaire possible. Il y a des techniques spécifiques de randomisation, dont la stratification, qui permettent d’améliorer la similarité des groupes sur certains critères.
Malheureusement la perfection n’étant pas de ce monde, il arrive que la randomisation, même bien faite, aboutisse à un déséquilibre sur certains critères recueillis dans le cahier d’observation. Plus il y de critères, plus on a une chance avoir un déséquilibre lié au hasard (si la randomisation est bien faite, tous les déséquilibres sont liés au hasard par définition).
Aussi faut-il présenter les résultats de la randomisation et la répartition des patients selon les différents groupes de traitement. De manière générale, la présentation de la population incluse décrit pour les principaux critères la moyenne de chaque groupe, l’écart-type ou l’erreur standard de la moyenne et ensuite un petit p pour vérifier l’absence de différence significative entre les groupes.
Bon, maintenant que l’on sait qu’il y a ou non des différences significatives entre les groupes sur les principales caractéristiques, on en fait quoi ?
- On ne peut pas conclure d’une absence de différences significatives que les groupes sont identiques.
- Des différences significatives peuvent ne pas avoir d’influence notable sur l’évaluation des produits comparés
- Des différences non significatives peuvent avoir un impact important sur cette évaluation.
- L’impact de ces différences peut favoriser ou défavoriser n’importe lequel des produits comparés
Donc après cette comparaison, on ne sait pas grand chose ; sauf peut-être que la randomisation n’a « pas trop mal marché » ou « a foiré », et encore, car la significativité dépend de la variabilité des critères et bien sûr du nombre de cas. Certes, on a une description de la population incluse.
Après avoir présenté la population incluse et sa répartition entre les groupes, il faudra présenter les résultats des analyses statistiques sur l’efficacité.
L’objectif de ces analyses est de fournir la meilleure évaluation possible de la comparaison entre les traitements.
On peut alors décider ou non de réaliser une analyse avec ajustements.
Les ajustements sont des méthodes statistiques qui améliorent la similitude des groupes comparés. Ils permettent de réduire la variabilité totale des réponses aux différents traitements et augmentent l’efficacité des tests. Il y a de nombreuses discussions sur ces ajustements. L’EMA est en train de rédiger une mise à jour des guidelines publiées en 2003.
Mais ces ajustements doivent se faire sur les critères qui ont une réelle influence sur l’évolution des patients. Si dans votre étude, les personnes qui habitent aux étages pairs s’améliorent sous le traitement A et ceux, plus nombreux, habitant aux étages impairs tirent un bénéfice moindre sous le même traitement, l’ajustement favorisera votre traitement A, il vous sera demandé des explications sur la raison de ce choix et vous aurez peut-être quelques difficultés à le justifier.
Donc, il faut des règles précises pour choisir les variables sur lesquelles réaliser les ajustements.
En particulier, il faut éviter deux écueils :
- Le « cherry picking » : piocher parmi les différentes variables, celles qui nous intéressent dans la liste
- Le choix de variables dont l’influence sur l’évolution des patients n’est pas certifiée
Le moyen le plus simple d’éviter ces deux écueils est de ne choisir comme variables d’ajustement, que celles qui ont été prédéfinies dans le protocole. Certaines ont pu être utilisées comme critère de stratification. L’influence de ces critères sur l’évolution doit avoir démontrée lors d’essais antérieurs.
Un cas particulier concerne les centres investigateurs. Généralement, dans les essais multicentriques, une randomisation par centre est opérée. On ajuste donc sur le critère de stratification.
Néanmoins, il est possible de découvrir lors de l’analyse de l’essai, un critère très influent sur la comparaison des produits.
Il peut être justifié d’ajuster sur cette variable.
Un des problèmes est qu’il existe peut-être d’autres variables très influentes, et peut-être même très influentes dans le sens opposé. Donc on est potentiellement dans la situation du « cherry picking »
L’important est ensuite de bien décrire ce qui est fait. Malheureusement, ce n’est pas toujours le cas
L’absence d’information et les informations qui, a contrario, sont mises en valeur doivent inciter à la prudence.
Les ajustements peuvent aussi biaiser l’évaluation d’autres manières. Par exemple, si le critère d’ajustement est manquant chez certains patients, l’ajustement ne peut tenir compte de ces patients correctement.
Tout ajout de variable autre que celles prédéfinies ou utilisées lors de la stratification ainsi que toute exclusion d’une variable prédéfinie ou utilisée doit attirer l’attention.
Il est demandé dans les différentes guidelines de publication que soient justifiés les choix et que les résultats avant et après ajustements soient précisés.
Merci pour cet article qui clarifie de nombreux points…
Je me pose une question : est ce logique d’ajuster à posteriori sur des facteurs X et Y alors que la randomisation a été faite en stratifiant sur les facteurs X et Y ?? J’ai l’impression de faire quelquechose de redondant …
merci de votre réponse
Merci de l’intérêt porté au site.
Je ne suis pas statisticien et j’ai donc cherché la réponse.
B Falissard page 230 de l’abrégé Masson « Comprendre et utiliser les statistiques dans les sciences de la vie » sept 2007 précise que la non utilisation des variables de stratification lors des ajustement aboutirait à une perte de puissance, même si, j’en conviens, la différence entre les deux analyses, sans et avec ajustement, doit être minime.
Ajuster sur les variables de stratification est la solution dans les modèles linéaires ; c’est plus compliqué dans les modèles non linéaires.
En conclusion, il faut que vous continuiez à faire les ajustements sur les critères de stratification.