Je n’aime pas les essais tronqués
Les essais tronqués sont les essais arrêtés avant le terme prévu.
Il y a beaucoup d’essais tronqués.
Malheureusement, il n’y a pas de terme MESH pour les cibler sur pubmed.
Bassler en 2010 a comparé des essais tronqués et des essais poursuivis jusqu’à leur terme.
Leur conclusion est que les essais tronqués mettent en évidence une taille d’effet supérieure à celle obtenue dans les essais non tronqués. A priori, obtenir un résultat significatif avec moins de patients nécessite une taille d’effet supérieure donc le résultat m’apparait logique. C’est une bonne chose de le démontrer dans la « vraie vie »
Le résultat est d’autant plus logique que les essais arrêtés avant terme ont plus de chance d’être publiés s’ils sont positifs que s’ils sont négatifs.
Mais le problème avec les essais tronqués est à mon avis plus important.
Dans les essais tronqués, le plus souvent, seule la population incluse est décrite. On ne dispose pas d’informations sur les patients selon leur durée de suivi au sein de l’essai. Cette différence de suivi peut influencer le résultat selon le critère d’évaluation utilisé comme décrit ici .
Le recrutement des patients au fil du temps peut varier. Si le traitement est novateur, il peut être tentant d’inclure en premier des patients plus gravement atteints ou plus facile à suivre, les suivants l’étant moins donc différents.
Pour tous les événements qui peuvent survenir plus fréquemment au fil du temps (sorties d’essais et effets indésirables), les essais tronqués minimiseront leur fréquence. De manière plus générale, si je vous dis que lors d’un essai tronqué prévu pour durer 2 ans, 20% des 100 patients inclus ont présenté tel effet indésirable (de survenue indépendante du temps), considérez vous que la fréquence des effets indésirables est de 10%/an ?
Par contre, si l’effet bénéfique du traitement décroit avec le temps, l’essai tronqué favorisera la différence. Ce peut être le cas pour des médicaments dont les effets secondaires spécifiques peuvent permettre la levée de l’aveugle du côté du patient. Ceux qui ont le verum seront contents et iront mieux et ceux qui ont le placebo seront moins contents et iront moins bien, puis l’effet psychologique s’atténuera. Or les essais tronqués sont réalisés sur des médicaments donnés au long cours, donc c’est l’effet à long terme qui est intéressant. Compte tenu de la décroissance du nombre de patients au fil du temps, il sera en plus difficile d’avoir une évaluation comparative au début et à la fin de l’essai et le plus souvent elle ne sera pas publiée.
Comment inclure les essais tronqués dans les méta-analyses. Faut-il utiliser le nombre de patients inclus, faut-il minimiser la significativité ?, faut-il ajuster la différence observée entre les traitements ? Moins on se pose de questions, plus on favorise le traitement.
Enfin, on peut avancer un autre argument contre les essais tronqués : Ils sont moins chers, donc on peut en faire plus et avec un minimum de biais de publication créer une image générale plus positive de l’efficacité d’un produit.
Bref, je n’aime pas les essais tronqués, surtout car leur analyse et la recherche de biais éventuels nécessite des informations qui ne sont pas données dans les publications.
Exemples de données qui seraient souhaitables.
- Analyse en ITT et en per-protocole
- Description des patients selon leur durée de suivi
- Délai de survenue des effets secondaires principaux ou graves ou ceux liés à un effet cumulatif
- Si le critère d’évaluation est « à double détente » : par exemple la progression d’un handicap confirmée à 3 ou 6 mois, il faut connaitre le statut des patients avant leur sortie pour savoir s’ils auraient pu à la prochaine visite valider le critère ou non. La décision d’arrêt pourrait être réalisée en fonction de la probabilité ultérieure de validation du critère dans les deux groupes. Il faut pouvoir être certain que ce n’est pas le cas.