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P…. d’effet placebo !

Posted on 2 juillet 2013 by Alexis in Article No Comments
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  • P…. d’effet placebo !

On voit parfois apparaitre dans la littérature des essais cliniques négatifs en conclusion desquels l’auteur fulmine contre un effet placebo plus élevé que d’habitude… Plus le comparateur est efficace, plus il est difficile de mettre en évidence une différence significative avec le produit testé (ou plus il faut de patients si le produit testé est réellement plus efficace). Donc, puisque les médicaments peuvent être approuvés sur des essais contre placebo (sans comparateurs actifs), il faut absolument trouver un moyen de réduire ce P….. d’effet placebo!

L’effet placebo existe.

Un des premiers papiers sur le sujet est celui de Beecher en 1955. Le titre en est « The powerful placebo ». Sa conclusion est dans le titre.

En 1994, une étude montre une efficacité supérieure d’un AINS ou du placebo administrés dans le cadre d’un petit essai par rapport à une administration sans information du patient (« c’est le traitement usuel pour votre cas »), mais une moindre différence d’efficacité entre les deux produits administrés dans le cadre du petit essai.

En 2001, Asbjørn Hróbjartsson et Peter Gøtzsche, répondent : « Is the placebo powerless ?». Les auteurs soulignent que les conclusions de Beecher sur l’efficacité du placebo sont tirées d’analyses « avant-après » et qu’il est donc impossible de distinguer l’effet propre du placebo d’un effet « Hawthorne »,  d’une régression vers la moyenne, d’une évolution de la maladie ou d’autres raisons. On peut aussi imaginer que, lors d’un essai en aveugle, placebo versus verum, les patients sous placebo qui se croient sous verum, s’améliorent plus que ceux qui se pensent être sous placebo. Ils analysent des essais comparant un placebo à l’absence de traitement et concluent à l’absence d’effets notables des placebos, sauf peut-être dans les évaluations subjectives continues et dans les essais sur les antalgiques.

En 2010 (après une autre publication similaire en 2004), les mêmes auteurs publient une revue Cochrane sur le sujet réalisée sur des essais intégrant un bras « sans traitement ». Les auteurs confirment leurs précédents résultats mais soulignent que l’effet placebo est plus prononcé si l’intervention comporte une action physique (acupuncture), si le critère d’évaluation implique le patient, si l’essai est petit et si l’essai a comme objectif d’évaluer l’effet placebo. L’effet placebo est aussi plus important si le patient n’est pas informé de l’existence d’un placebo.

Une étude récente a comparé chez des patients atteints du syndrome de l’intestin irritable, l’absence de prise en charge (patient mis sur liste d’attente pour un essai), un rituel thérapeutique (acupuncture placebo) et le même rituel thérapeutique avec une relation médecin-malade « chaleureuse » (peut-être pas au sens où l’entendait Brel).

Au bout de 3 semaines, l’amélioration est différente dans les 3 groupes (dans l’ordre logique : 1er< 2ème < 3ème). Un consentement éclairé était signé par les patients mais un peu assombri par l’absence d’information sur le but réel de l’étude afin de ne pas planter l’étude.

On est dans les conditions maximales citées dans la précédente étude pour mettre en évidence un effet placebo. Comme on pouvait s’en douter, la relation médecin-malade influence l’efficacité (au moins perçue) d’un traitement.

Donc s’il existe bien, l’effet placebo apparait variable selon les modalités de réalisation des essais, leur méthodologie et le cadre nosologique étudié. Il est influencé par l’attitude du médecin et par la connaissance qu’en a le patient.

C’est bien beau tout ça mais il faut absolument le réduire ce P… d’effet placebo !

Plusieurs papiers ont recherché un substratum physiologique à l’effet placebo (ici et là par exemple).  S’il était possible de définir quels sont les patients qui répondent au placebo, on pourrait faire des essais plus facilement positifs en les excluant après soit une évaluation appropriée soit une période « lead-in » permettant de sélectionner des non-répondeurs au placebo pour la phase randomisée de l’étude !

Le problème de l’efficacité du placebo semble particulièrement crucial pour les pathologies psychiatriques.

Le département scientifique de Janssen s’en est ému. La figure 2 de cet article montre l’augmentation du bénéfice sous placebo au fil du temps dans la schizophrénie.  La FDA et l’EMA ne dérogeant pas à la nécessité d’essais contrôlés contre placebo (ou contre comparateur actif), il faut trouver une solution. L’auteur évalue ensuite les différents facteurs pouvant influencer l’effet placebo mais l’impact en plus ou en moins n’est pas très clairement indiquée et rien ne semble vraiment déterminant (donc on ne peut pas éliminer un recrutement différent au fil du temps puisqu’on ne connait pas les critères qu’il faudrait analyser).

C’est un sujet vraiment important car la FDA travaille sur des guidelines sur la sélection des patients pour les essais cliniques. Le titre de ces Guidelines encore au stade de draft est le suivant : « Enrichment Strategies for Clinical Trials to Support Approval of  Human Drug and Biological Products ».

Les « stratégies d’enrichissement » pour les essais cliniques ont pour objectif de définir les meilleurs patients pour mettre en évidence l’efficacité des produits. Le paragraphe 3B mentionne comme mesure possible pour diminuer l’hétérogénéité des patients de réaliser une période de traitement sous placebo permettant d’éliminer de la phase randomisée de l’essai les patients qui s’amélioreraient sous placebo, sur les critères cliniques ou biologiques.

Il est effectivement probable que ces procédures permettront d’améliorer la mise en évidence d’une efficacité.

Ces critères sont présentés dans le texte comme des critères d’inclusion mais ce sont le plus souvent aussi les critères d’évaluation du produit.

Cette procédure permet certes d’éliminer la « régression vers la moyenne » et la randomisation suit cette période  de lead-in donc les groupes seront a priori similaires. Néanmoins, en favorisant la mise en évidence de l’efficacité par une méthodologie particulière, les essais ne pourront être comparés que s’ils sont réalisés selon la même méthodologie.

On peut se demander si, en pratique, cette procédure attentiste peut être mise en œuvre.

Pour le traitement d’une hypertension ou d’une hypercholestérolémie, il est habituel de vérifier les mauvais chiffres à plusieurs reprises, donc la période de « lead-in » correspond à la pratique clinique.
Mais pour d’autres pathologies, ce n’est pas le cas. Par exemple devant des signes de dépression sévère. On ne peut pas envoyer un patient acheter un placebo à la pharmacie et lui dire qu’on va le prendre en charge dans quelques semaines. En fait, pour beaucoup de pathologie, les médecins traitants ne peuvent se permettre de dire : « on va attendre et on va voir si vous vous améliorez ». Le patient aura tendance à aller voir un autre médecin.

Comme on ne peut pas définir a priori cette population de non-répondeurs au placebo sur des critères précis, on ne peut donc pas proposer aux praticiens des critères permettant de les cibler en pratique quotidienne.

On peut se demander si finalement, tous les patients, répondeurs ou non au placebo, ne seront pas traités comme avant mais avec des produits validés sur des conditions particulièrement favorables, donc favorisant un prix élevé.

Ce P… d’effet placebo aura finalement un effet bénéfique, celui de permettre la sortie de guidelines favorisant la mise sur le marché de produits moins efficaces mais toujours destinés à tous les patients.

 

A noter : ces guidelines proposent une classification intéressante des facteurs favorisant la mise en évidence de l’efficacité des produits :

  1. Facteurs diminuant l’hétérogénéité (la variabilité des réponses)
  2. Facteurs pronostiques : les patients ont une plus forte probabilité de présenter l’événement analysé par le critère d’évaluation
  3. Facteurs prédictifs : facteurs permettant de suspecter une meilleure efficacité du produit

Trouver des patients chez lesquels le produit apparait plus efficace n’est pas choquant, l’important est de pouvoir définir avec précision la population concernée et que ce ciblage soit possible lors de l’utilisation ultérieure du produit en pratique clinique.

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