Lors de l’analyse des données d’un essai clinique, on peut décider soit d’analyser tous les patients randomisés (c’est l’analyse en intention de traiter –ITT-) soit de n’analyser que les patients qui ont rempli les obligations du protocole (c’est l’analyse en per-protocole –PP-).
La règle de base pour les essais cliniques est la suivante :
- Essais recherchant une supériorité : ITT. Cela permet de répondre à la question : quand je décide (randomisation) de donner tel médicament à un patient, le résultat est-il meilleur que si je décide de lui donne l’autre traitement.
- Essais recherchant une non-infériorité ou une équivalence: PP. Cela permet de répondre à la question : est-ce que mon nouveau produit, donné dans les conditions optimales, n’est pas trop inférieur ou différent par rapport au produit de référence lui aussi donné dans des conditions optimales.
Mais l’expérience montre que ce n’est pas aussi simple car il peut se passer plein de choses au cours d’un essai clinique.
On peut se tromper de produit : le patient reçoit le produit A mais était randomisé pour recevoir le produit B : Si on réintègre le patient dans le groupe A c’est l’analyse « as treated »
Il peut aussi manquer des informations, liées aux sorties d’essai, à l’arrêt de l’essai avant son terme ou à l’absence de certaines données. Certains patients arrêtent le traitement après un délai variable. C’est le cas dans la quasi-totalité des essais. On peut alors décider de faire une « modified ITT » (m-ITT) en ne prenant en compte que certains patients sur des critères choisis a posteriori : patients prenant les traitements pendant une durée minimale, patients avec certaines données disponibles (données initiale ou de suivi)…
Il y a donc plusieurs m-ITT possibles
Ainsi, entre l’ITT qui prend tous les patients et le PP qui ne prend que ceux ayant satisfait à toutes les obligations de l’essai, il y a plein de possibilités pour faire son marché et trouver les groupes adéquats pour démontrer le résultat souhaité. En plus certaines analyses dites « per protocole » ne sont que des m-ITT !
Néanmoins, il y a probablement une de ces analyses qui s’approche plus que les autres de la bonne évaluation. Peut-être aussi que les différences entre ces analyses permettent de se faire une idée de la bonne évaluation.
Imaginons un essai de supériorité comparant le traitement A au traitement B et pour lesquels on puisse disposer pour chaque groupe du nombre de sujets inclus (N ici 2000/groupe), du nombre de sujets satisfaisant à toutes les obligations du protocole (P) et donc du nombre de patients inclus dans l’analyse ITT mais pas dans l’analyse PP (Δ). Donc N=P+Δ.
Si le critère d’évaluation est basé sur une fréquence de survenue d’événements, la différence entre les deux analyses (ITT et PP) et le nombre de perdus de vue sont des informations complémentaires très intéressantes. On peut en déduire des informations sur la population n’ayant pas suivi l’essai jusqu’à son terme (Δ).
En voici un exemple
On peut alors évaluer quel serait le résultat de tous les patients suivis pendant la durée totale de l’essai (dernière colonne du tableau). Il faut considérer que la fréquence de l’événement est stable au cours de l’essai.
Les cases en jaunes sont celles que l’on modifier sur le fichier excel

Les plus grandes différences entre l’évaluation en ITT et celle calculée dans la dernière colonne du tableaux surviennent lorsque le nombre de perdus de vue est important ou leur durée au cours de l’essai est courte (logique !). Dans les essais tronqués, c’est souvent le cas. Quand les résultats des deux analyses, ITT et PP, sont différentes, l’évaluation sur 100% des patients suivis pendant la totalité de la durée de l’essai donne une 3ème valeur souvent différente des deux précédentes.
Le problème, particulièrement crucial pour les essais tronqués ou avec de nombreux perdus de vue, est l’absence d’information sur ces perdus de vue dans la quasi-totalité des publications. Le risque est le biais d’attrition. La connaissance des deux analyses permet de se faire une « idée » de l’évolution de ces perdus de vue. mais bien sûr, rien ne vaut la mise à disposition des données brutes.