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Pourquoi est-il plus sûr de critiquer un nouveau médicament que de l’encenser ?

Posted on 3 avril 2013 by Alexis in Article No Comments
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Pourquoi est-il plus sûr de critiquer un nouveau médicament que de l’encenser ?

Tout laboratoire demandant la mise sur le marché d’un médicament doit avoir fait des études cliniques dans le but de démontrer son efficacité et sa bonne tolérance. L’approbation de ce médicament est basée sur le rapport bénéfice-risque.

Il n’est pas inintéressant de se poser la question de l’évolution probable de ce rapport au fil du temps.

 La démonstration de l’efficacité

A priori, le demandeur de l’approbation a fait tous les efforts possibles pour obtenir une évaluation favorable de l’efficacité, et ce le plus rapidement possible afin de rentabiliser le produit au maximum.

Pour cela, il a choisi pour ses essais un critère d’évaluation sensible, a inclus un nombre de patients, adapté, donc assez pour obtenir la démonstration mais pas trop si possible car cela coute cher et peut retarder la mise sur le marché. Il a pu aussi arrêter un essai si une analyse intermédiaire permet de conclure positivement. Il a pu choisir grâce aux critères d’inclusion et d’exclusion des patients spécifiques. Il a choisi les comparateurs et a pu ne réaliser que des études contre placebo. Bien sûr, il a pu aussi biaiser les essais, cela arrive. La population à laquelle sera destiné le médicament comportera peut-être des répondeurs et des non répondeurs sans que les études ne permettent de les distinguer formellement.

Donc la démonstration de l’efficacité est probablement à son maximum sur les critères choisis. Et puis, si l’efficacité n’est pas bonne, le produit n’est « a priori » pas approuvé. C’est un biais de sélection (et de publication) qui favorise ma démonstration !

Au fil du temps, la quasi-totalité des évaluations ultérieures de l’efficacité vont diminuer la beauté de ce tableau initial.

  • Il est peu probable que de nouveaux essais soient réalisés par le laboratoire sur la même indication et les mêmes patients pour démontrer que l’efficacité est supérieure à celle démontrée dans l’indication approuvée et sur le même critère d’évaluation. C’est un jeu risqué pour le laboratoire car les études positives démontrent ce qui est déjà démontré (et approuvé) et les études négatives peuvent être très délétères….
  • Les nouvelles études éventuellement réalisées dans la même indication mais sur un critère d’évaluation différent (qualité de vie, critère majeur comme la mortalité, survenue d’une complication particulière…) sont plus risquées, plus longues et plus chères que celles du dossier d’AMM et peuvent se révéler négatives. Si elles sont positives, l’efficacité démontrée du produit est souvent considérée comme une preuve de validité du critère initial des études du dossier d’AMM. Ce nouvel élément est alors rangé dans les arguments marketing et il faut l’avouer, l’effet sur les critères majeurs est souvent faible (sinon, il aurait été recherché plus tôt).
  • Des «outsiders indépendants» peuvent réaliser diverses études sur le produit dans l’indication approuvée. Ils disposent de moyens financiers inférieurs à ceux des laboratoires. Leurs études sont donc moins puissantes, donc plus à même de se révéler négatives. Ce ne sont parfois que des suivis de patients pouvant mettre à jour divers problèmes de tolérance.La publication de résultats nouveaux ou en contradiction avec les connaissances actuelles est mieux valorisée que la confirmation d’une information connue.  Il sera donc tentant d’ajouter à des résultats positifs, une information complémentaire qui peut éclairer les études initiales sous un angle moins flatteur : répondeurs, les facteurs de risque, l’observance, coût, tolérance bien sûr…
  • Enfin, il faut savoir faire confiance aux concurrents qui réaliseront des études comparatives. Les études démontrant une supériorité seront plus souvent publiées que les autres, surtout si elles sont réalisées en pré-AMM. Une étude négative d’un produit non mis sur le marché a peu de chance d’être publiée !Vers la fin de son brevet, le produit pourra aussi être concurrencé par un « me-too » du même laboratoire qui s’efforcera alors de démontrer la supériorité du petit nouveau sur le vieux bientôt génériqué.
  • Enfin, il y a toutes les études réalisées en dehors des indications approuvées. Certaines peuvent être positives mais toutes apportent des informations complémentaires sur la tolérance.

 

La démonstration de la bonne tolérance.

L’évaluation de la tolérance est réalisée lors de tous les essais. Au moment de la mise sur le marché, on dispose donc d’une cohorte de patients traités pendant des durées variables. Le nombre de patients traités dépend généralement de la prévalence ou de l’incidence de la maladie ciblée.

Imaginons que cette cohorte soit composée de 3000 patients suivis un an.

Pour des effets indésirables très fréquents ou fréquents (≥ 1/100), les 3000 patients permettent d’avoir une assez bonne estimation de leur fréquence et de leur gravité. Mais pour les effets plus rares, c’est un peu moins sûr.

On peut définir selon la fréquence d’un effet indésirable, la probabilité de ne pas en observer un seul cas sur 3000 patients.

 

Fréquence de l’effet indésirable (par an)

Probabilité de ne pas voir un seul cas chez les 3000 patients traités un an

1/1000

5%

1/2000

22%

1/5000

55%

1/10000

74%

 

Les effets indésirables d’une fréquence entre 1/1000 et 1/10000 ne sont pas si rares !  Quand on en parle, c’est qu’ils sont graves. Ce sont des fréquences d’effets secondaires qui ont déjà fait tomber des produits.

Cette situation ne serait néanmoins valable que pour des effets secondaires spécifiques du médicament. Mais le plus souvent, l’effet indésirable n’est pas spécifique de la prise d’un médicament. Il est possible de mourir, d’avoir une valvulopathie, une embolie pulmonaire, un infarctus du myocarde ou un cancer de la vessie sans prendre de médicaments ou en prenant n’importe quel médicament.  Si de telles pathologies surviennent chez les 3000 patients traités, on ne pourra conclure à une augmentation du risque que si la fréquence de survenue dans le groupe traité est supérieure à celle observée dans les groupes contrôle. Et pour conclure à une différence significative entre deux événements très rares, il faut beaucoup, beaucoup de patients (plus de 20 000 par groupe pour différencier 1/1000 et 2/1000 avec alpha = 5% et béta = 20%).

Il est donc tout à fait normal que les effets indésirables rares ne soient vus qu’après la mise sur le marché du produit. Malheureusement, les modalités de recueil de ces informations sont souvent inefficaces et une fois obtenues les informations sur ces effets indésirables sont parfois cachées.

Si on considère que l’évaluation initiale de l’efficacité des médicaments est parfois inadéquate, on comprend bien pourquoi les scandales sanitaires sont si fréquents et entraînent tant de colère.

Juste pour rire, et si on demandait un suivi de pharmacovigilance obligatoire pendant les 2 premières années de mise sur le marché ou sur les patients débutant le traitement pendant ces deux premières années.

Et si on présentait dans la fiche Vidal des médicaments, à côté des fréquences des effets indésirables, la probabilité d’avoir découvert de tels effets. Cette probabilité serait ajustée en fonction des résultats de suivi, associée à la fréquence des effets.

Et si la base du sniiram était en accès libre.

En conclusion, le rapport bénéfice/risque d’un médicament est un critère de jugement évolutif. Il part de son maximum lors de la mise sur le marché et la plupart des événements de la vie d’un médicament vont le diminuer. Donc, il est plus sûr de critiquer un nouveau médicament que de l’encenser. Il suffit souvent d’attendre pour avoir raison.

 

rappel sur la loi binomiale et la loi de Poisson :

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