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The Will Rogers phenomenon, et petite digression sur le dépistage

Posted on 9 février 2015 by Alexis in Article No Comments
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« When the Okies left Oklahoma and moved to California, they raised the average intelligence level in both states. »

Quand les habitants de l’Oklahoma ont migré vers la Californie, ils ont augmenté le niveau moyen d’intelligence dans les deux états.

Cette citation serait attribuée à Will Rogers, un acteur Américain (1879-1935). Pour que sa citation soit vérifiée, il suffit que les migrants soient, en moyenne, plus cons que la moyenne dans l’état qu’ils quittent et moins cons que la moyenne dans l’état où ils arrivent.

Pourquoi en parler sur un site sur les biais dans les essais cliniques ou les études?

 

Feinstein en 1985 a utilisé le terme de « Will Rogers Phenomenon » pour décrire un biais lié à la « migration » de patients atteints d’un cancer d’un stade à un autre du fait de l’utilisation de techniques diagnostiques plus performantes. La survie de la cohorte de 1977 était meilleure que celle de l’autre cohorte de 1953-64 quelque soit le stade TNM au moment du diagnostic. L’utilisation de nouvelles techniques diagnostiques sélectionne dans les groupes « inférieurs » (bon pronostic) des patients ayant un moins bon pronostic qui migrent donc vers les groupes de plus mauvais pronostic. Ils ont néanmoins un meilleur pronostic que ceux du groupe dans lequel ils migrent.

un petit schéma

avantapres

Les patients (1->2) ont un moins bon pronostic que les (1->1) et un meilleur pronostic que les (2->2). En les excluant du stade 1 initial, on améliore le pronostic du stade 1. Le stade 1 final a donc un meilleur pronostic que le stade 1 initial. Pareil pour le Stade 2 final qui reçoit des patients (1->2) de meilleur pronostic que les (2->2) et perd les (2->3) qui ont un moins bon pronostic que les (2->2). Le stade 3 reçoit des patients (2->3) de meilleur pronostic que les (3->3) et améliore donc son pronostic moyen.

Donc tous les stades (1,2,3) améliorent leur pronostic moyen.

Cette amélioration est indépendante des traitements utilisés. Mais comme de nouveaux traitements sont régulièrement mis sur le marché, ainsi que de nouveaux tests diagnostiques, il peut être très difficile de savoir d’où vient le bénéfice lorsque des séries historiques sont comparées.

Un test peut ne modifier que deux stades consécutifs sans modifier les autres – cela dépend de la nature du test- C’est le cas des tests de dépistage qui ajoutent au premier stade des patients au stade « infra-cliniques »ou non diagnostiqués par les tests usuels.

D’autres biais peuvent s’associer à ce « phénomène Will Rogers ». Les tests détectant les patients qui changent de stades [(1->2) et (2->3)] favorisent la sélection de patients évoluant lentement.

Si un patient évolue lentement, il restera plus longtemps au stade 1->2 ; c’est à dire à un stade où il est diagnostiqué stade 1 avec le vieux test et au stade 2 avec le nouveau. Les patients évoluant rapidement passeront plus vite du stade 1 au stade 2 et auront donc une plus faible probabilité d’être révélé par le nouveau test appliqué à un moment t quelconque. Ils seront néanmoins plus rapidement comptabilisés au stade supérieur sur les anciens tests puisqu’ils évoluent plus rapidement.

L’impact de ce biais spécifique (sélection des cas à évolution lente) est donc difficilement quantifiable.

Ce biais est surtout important lors des dépistages de patients asymptomatiques. Il explique une sur-représentation des formes lentement évolutives par rapport aux formes à évolution rapide lors des dépistages.

Un petit exemple que j’espère explicatif.

Imaginez que vous preniez une photo toutes les 10 secondes d’une autoroute où circulent des voitures lentes et des voitures rapides. Le « champ » photographié de 200 m est traversé en 8 secondes par les voitures lentes (90 km/h) et en 4 secondes par les voitures rapides (180 km/h) (Les distributions sont uniformes). Vos clichés vous montreront 80% des voitures lentes et 40% des voitures rapides. Le calcul de la répartition des voitures (lentes ou rapides) à partir de vos clichés aboutira à une erreur minimisant le pourcentage de voitures rapides. Si vous faites vos photos toutes les secondes, la sur-représentation des voitures rapides disparait mais vous verrez les voitures lentes, non seulement sur plus de photos mais aussi plus « proches de l’entrée » après leur apparition dans le champ photographié (à comparer avec la fréquence des tests de dépistage).

L’introduction d’un test de dépistage pour une maladie chronique grave peut donc augmenter artificiellement la survie de deux manières.

  1. Les cas révélés par le test de dépistage évoluent plus lentement que ceux diagnostiqués sans le dépistage (Le summum de la forme peu évolutive est le surdiagnostic!) : ce biais est appelé le length time bias
  2. ils bénéficient d’un bonus de temps (entre le dépistage et le moment auquel ils auraient été diagnostiqués sans le dépistage). C’est le lead-time bias

La comparaison de l’évolution de patients dépistés et non dépistés est donc potentiellement doublement biaisée en faveur du groupe dépisté mais cela permet d’augmenter le marché pour les thérapeutiques, en augmentant le nombre de patients et/ou leur durée moyenne de traitement. C’est un sujet abondamment discuté.. Le bénéfice parfois observé sur la survie grâce à un dépistage est souvent contredit par le suivi des données de mortalité liée à la pathologie dépistée qui restent assez stables… C’est un autre sujet … à venir.

 

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