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Séralini : venez voir, on voit rien !

Posted on 4 avril 2013 by Alexis in Article No Comments
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En février dernier, j’avais posté un commentaire sur l’excellent site du Dr Hervé Maisonneuve.

Comme j’aime bien mon commentaire (et suis un peu paresseux) et que je trouve les réactions sur l’étude du professeur Séralini un peu étonnantes, je l’ai recopié ci dessous sur mon site (avec quelques ajouts). C’est donc de l’auto-plagiat.

Moi j’aime bien quand on critique l’étude de Mr Séralini.
Tous ces efforts qui sont faits pour décrire les insuffisances ou biais potentiels de cette étude seront bien utiles pour juger les futures études évaluant les OGM ou les pesticides. Je suis certain que les études qui ont été déjà réalisées sont actuellement passées au crible par l’EFSA pour s’assurer que ces biais ou insuffisances en sont absents.

Cependant, il me semble important de souligner une différence majeure entre l’étude de Mr Séralini et celles destinées à obtenir l’approbation des autorités de tutelle. Mr Séralini cherchait probablement à mettre en évidence une différence, les autres études cherchent plutôt à ne pas mettre en évidence de différence. Le langage « politiquement correct » pour définir les objectifs de l’étude reste bien sûr le même : y a t-il une différence ? (d’où l’intérêt de se demander ce que l’auteur a voulu démontrer)

Les insuffisances ou biais cités peuvent selon l’objectif « réel » de l’étude avoir un impact différent, favorable ou défavorable. Le faible nombre de rats limite la possibilité d’avoir un résultat significatif et donc favorise les études négatives. La présence de produits toxiques dans les différents régimes (à condition qu’ils soient également répartis dans les groupes) rendra probablement plus difficile la mise en évidence d’une différence liée au produit étudié.

Ainsi, ces deux biais ou insuffisances reprochés à Mr Séralini auront plus probablement un impact négatif sur la possibilité de mettre en évidence une différence, or on peut supposer que Mr Séralini souhaitait plutôt démontrer un effet délétère des OGM…

L’analyse des résultats dans l’étude de Mr Séralini étant aussi critiquée, je préfère me baser sur les analyses du rapport du HCB.
L’impact délétère des régimes OGM/pesticides sur la mortalité des rats est non significatif. Cela signifie qu’il y a plus de 5% de chances que l’augmentation observée soit liée au hasard. En fait, selon le HCB, cette probabilité est entre 15 et 20% selon les groupes pour les rats femelles, ce qui signifie qu’il y a une probabilité de 80 à 85 % que l’augmentation de mortalité ne soit pas liée au hasard.
Est-ce une limite acceptable pour autoriser la dissémination d’un produit dans l’alimentation?
En annexe, le HCB précise que pour mettre en évidence une augmentation de 30 % (addition de %) ou de 300 % (si on calcule le pourcentage d’augmentation) de la mortalité (10 % vs 40 %), il faudrait 24 rats par groupe (alpha=béta=5 %). En fait le nombre de sujets par groupe dans ce cas est plus proche de 45 (le calcul du HCB est probablement fait entre une valeur théorique et une valeur observée).

Il était donc très difficile pour Mr Séralini de mettre en évidence de manière significative un quadruplement de la mortalité avec ses 10 petits rats par groupe et en effet il n’a pas réussi. Faut-il considérer cela comme rassurant… Pour mettre en évidence un doublement de la mortalité, (ce qui n’est pas négligeable comme risque), il en aurait fallu selon la mortalité naturelle des rats soit environ 40 (40 % vs 80 %) soit plus de 250 (10 % vs 20 %) …

Pour le développement des médicaments, la même étude est destinée à mettre en évidence une différence d’efficacité tout en évaluant le risque de survenue d’effets indésirables. Le calcul du nombre de sujets à inclure est réalisé sur le critère d’efficacité. Plus un produit est efficace, moins on a besoin de sujets.
En revanche, si on veut s’assurer de l’absence d’effets indésirables graves survenant à une fréquence de 1/1000, il faudrait inclure 3000 sujets et ne pas observer d’effets indésirables graves. Dans ce cas, on peut dire avec 5% de risque de se tromper que la fréquence des effets indésirables graves est inférieure à 1/1000. (Si l’effet indésirable peut survenir chez les personnes ne prenant pas le médicament, par exemple la mort, il en faut beaucoup plus pour exclure l’augmentation du risque) Compte tenu du nombre de sujets inclus dans les essais pré-AMM, il est donc tout à fait normal que l’on découvre après la commercialisation des médicaments des effets indésirables graves dont la fréquence est de 1/10 000.
Leur découverte est alors soit liée à la publication de cas spécifiques, soit le fait d’analyses de bases de données sur des dizaines de milliers de patients dont on sait s’ils ont pris ou non le médicament en question afin d’avoir une évaluation comparative. S’en suivent alors les scandales sanitaires usuels (médiator, pilules 3G/4G, diane 35, glitazone…)

Maintenant revenons au risque alimentaire, la probabilité d’un effet indésirable grave lié à un OGM est probablement moindre en théorie que pour un médicament. Ce ne sont que des acides nucléiques et des protéines, tout cela est dégradé lors de l’ingestion. Le cas du maïs en cause est un peu différent car il peut être contaminé par le Roundup grâce à cette particularité OGM.
Le risque des OGM est donc, pour les consommateurs, probablement faible s’il existe. Reste à définir quel est le risque que l’on veut éliminer par les études réalisées pour leur approbation. Le risque du Roundup est lui plus difficilement évaluable sur des arguments théoriques. Son dossier d’autorisation devrait être publié par l’EFSA comme l’a été celui de l’OGM en cause.

En attendant, ce qui est vraiment rassurant, c’est que l’on n’a aucune chance de mettre en évidence, après la commercialisation, un risque éventuel ; on ne va pas publier des cas suspectant un effet indésirable grave lié à la consommation d’OGM et on ne pourra jamais établir d’analyses comparatives entre des mangeurs d’OGM et des non mangeurs (les autres facteurs de risque connus étant similaires dans les deux groupes).

On peut critiquer l’étude de Mr Séralini ; elle ne permet pas de démontrer formellement un risque. Elle permet juste de dire qu’avec une étude sur 3 mois chez le rat on ne voit rien, et qu’avec 10 rats par groupe on ne voit rien non plus (même si le risque est un quadruplement de la mortalité chez le rat). Elle permet donc juste de dire que les études qui sont proposées pour les autorisations de mise sur le marché sont faites pour ne rien montrer.

Pour finir sur le sujet principal du blog, les publications scientifiques, je trouve remarquable que la revue ait eu le courage de publier une étude négative.

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